Mère
l'Agenda
Volume 10
(La conversation suivante est venue à propos de deux lettres envoyées par le jeune disciple indien qui a accompagné le guérisseur, A.R., dans sa retraite solitaire.)
Le 21 oct. 1969
Monsieur A.R. m'a demandé si j'avais fini de relire «Les Notes sur le Chemin». Et moi je lui ai demandé s'il avait trouvé quelque chose après ses études de ces deux jours! Alors il y a eu une cascade de mots. Il m'a dit:
Je n'ai rien appris de nouveau. Tout ce qu'elle dit [Mère], je le connais depuis vingt ans. La base de mon expérience même était la transformation des cellules et c'est de là que je suis parti. Mère, d'après ce qu'elle écrit, je pense qu'elle a commencé cette expérience il n'y a que deux ans, et je comprends qu'elle a complété maintenant. Alors tout ce qu'elle dit est, pour moi, vrai, juste, et cela ne peut pas être autrement Seulement, je n'ai pas fait comme elle chaque étape de l'expérience en détail, jusqu'au bout. Ma méthode était directe, tout droit, tout en haut; j'ai coupé toutes ces étapes et ces visions en route car autrement je n'aurais pas pu faire comme j'ai fait. Tu comprends, je ne pouvais pas tenter ces détails, car, dans ce cas, j'aurais perdu mon but, j'aurais manqué ma réalisation. Pour elle, ça va très bien, car elle est éduquée. Elle sait de la philosophie, métaphysique, des sciences et quoi encore! De plus, elle avait la chance d'avoir rencontré Sri Aurobindo. Moi, j'aimerais bien le rencontrer. Et quant à moi, j'étais tout seul. Alors je n'avais pas d'autre choix. Je ne le regrette pas. Je suis venu ici car j'ai su qu'il y avait ici quelqu'un qui parlait mon langage. J'ai eu la confirmation de mes expériences et je donne une confirmation à son expérience. C'est cela. On peut dire que nous sommes partis main dans la main dans notre expérience – nous sommes sur le même plan. C'est comme cela que je comprends. Je ne sais pas ce qu'elle pense de moi, elle ne m'a rien dit. Je voulais discuter avec elle, mais je pense qu'elle n'est pas disposée à beaucoup parler. Alors...!
En tout cas, elle m'a dit qu'elle m'aiderait; dans ce cas sûrement quelque chose est en train de se faire. La graine qu'on sème aujourd'hui ne pousse pas demain. Il faut attendre. Peut-être que cela prendra du temps.
Le 24 oct. 1969
Je pense que ce que je vais vous écrire, vous intéressera. C'est après une longue discussion hier soir.
Sujet: La Mission de Monsieur A.R. dans cette vie.
Il m'a dit qu'il est en train d'acquérir une telle force qu'il peut faire face à tout obstacle, et il pourra ainsi affirmer aux gens le pouvoir de la force divine. «Je veux d'abord devenir tout à fait sûr que je peux manifester cette force n'importe quand et contre tous les obstacles. Alors je vais montrer aux gens, dans une foule de mille personnes, par une démonstration pratique, en appelant dix ou quinze malades parmi eux, et en les guérissant par cette force. Alors ils seront obligés d'être convaincus que, oui, il y a une Force qui peut faire tout. Mais pour cela, je dois être prêt. Car 80% des gens seront contre moi, et pour les convaincre il faut vraiment être fort, bien armé et sûr! Une fois que je serai prêt, personne ne peut m'arrêter. Tous les gouvernements et les religions s'écrouleront. Je vais écrire au Pape en demandant ce qu'ils sont en train de prêcher. Qu'est-ce que le Christ nous a dit dans l'Évangile! Il avait dit à ses apôtres d'aller guérir les malades et chasser les démons. Que font les prêtres et les Catholiques à présent?»
Je lui ai demandé: est-ce que vous êtes sûr que c'est votre mission?
– Oui, j'en suis sûr. Je le sais depuis longtemps. Et je suis en train de me préparer pour cela. Le jour n'est pas loin. Il faut être fort comme Le Christ, d'abord, pour faire cela.
– Mais ne pensez-vous pas que c'est beaucoup mieux de chercher le Divin pour Lui-même que de Le chercher pour quelque pouvoir, même le pouvoir d'affirmer son existence? Pourquoi voulez-vous faire la preuve à chaque instant et est-il nécessaire de la démontrer par des guérisons?
– Mais bien sûr que tu as raison là, quand tu dis qu'il faut chercher le Divin pour le Divin. Pour vous, c'est facile à comprendre puisque vous êtes baignés dans cette atmosphère ici. Mais pour l'homme occidental, il faut une preuve, il veut savoir ce qu'il va gagner! La plus facile et la plus frappante chose à démontrer, c'est la guérison. Voilà. C'est pourtant bien simple. Je ne sais pas si tu le comprends. Le Christ a aussi fait la même chose!
Tu as vu le frère A?1... Il a beaucoup changé – beaucoup changé. Il est incomparablement mieux qu'avant. Il est allé chez des bouddhistes, paraît-il. Il devait aller chez Vinoba Bhave, mais je ne crois pas qu'il y soit resté parce qu'il vient d'un monastère bouddhique.
Mais il reste aussi chrétien, bien sûr?
Je ne sais pas... Il ne veut pas rentrer en France parce qu'il dit qu'il serait «embêté» là-bas! Il va aller dans un monastère de Grèce, puis il a dit qu'il reviendrait ici... Mais il a beaucoup changé. Beaucoup.
Et l'autre... (le guérisseur), l'autre est très amusant!
Oui?
Il est très amusant! (Mère rit) Si c'était une conscience ordinaire, il a une outrecuidance! – Chez lui, c'est une sorte de spontanéité. C'est très amusant. Mais tous les deux (A.R. et frère A) se sont assez bien entendus; ils ont dit qu'ils se rencontreraient, ils se sont donnés rendez-vous... je ne sais plus où.
C'est amusant.
Mais que penses-tu de cette «mission miraculeuse» dans le monde?
(Mère rit) S'il réussit, ce sera intéressant. Voilà ce que je pense.
Est-ce une illusion, ou est-ce une promesse? Je ne sais pas... N'est-ce pas, pour sa hernie, c'est assez intéressant; parce que quand tu m'en as parlé, j'ai concentré, j'ai regardé, et j'ai vu la Force qui venait et que s'il faisait rentrer sa hernie, elle ne sortirait plus – c'est déjà miraculeux. Mais lui, dit qu'elle doit rentrer d'elle-même, sans que l'on intervienne!... Ça, c'est... c'est beaucoup plus loin sur l'échelle. Si ça arrive, eh bien, vraiment je m'inclinerais.
Je ne sais pas, on verra.
Je ne sais pas, mais j'ai un peu l'impression d'une illusion: cette idée d'un «grand coup» à porter sur les esprits en opérant des miracles...
Oh! oui. Ça, c'est impossible. Ça, c'est un enfantillage.
Oui, il me semble.
Surtout ici où il y a tant de gens qui ont accompli de soi-disant miracles.
Il veut faire cela en Europe.
Ah!
En Europe, avec la télévision, la T.S.F, et en remuant les masses, par des guérisons spectaculaires.
Baba! C'est un enfantillage.
Mais oui! il me semble.
Mais il n'y a qu'à le laisser faire.
Ce ne sont pas des miracles qui peuvent convertir l'humanité.
Non.
Non. Mais c'est parce qu'il n'a pas de culture qu'il pense comme cela.
Maintenant, ça peut arriver! Après tout, je ne suis pas très sûre que le Christ n'ait pas fait des miracles.
Si, il a fait des miracles.
Ah! on nous le dit – nous n'étions pas là! (rires)
Ce qui me heurte un peu, c'est cette idée de faire «mieux que le Christ»... J'ai l'impression que c'est TOUT AUTRE CHOSE qu'il faudrait faire!
(Mère rit) Oh! oui.
(silence)
Mais il paraît que le Christ lui-même a dit qu'il reviendrait «avec le glaive de Dieu» – cela veut dire que ce n'est plus du tout la même chose.
Moi, je n'ai jamais cru: j'ai eu beaucoup de difficultés, c'est Sri Aurobindo qui m'a fait croire à la réalité physique du Christ; j'ai toujours pensé que c'était une histoire que l'on racontait – on a pris n'importe qui et on en a fait une histoire. Mais Sri Aurobindo y croyait. Il disait que c'était un Avatar – un Avatar partiel.
(silence)
Mais au fond, ce que je voudrais comprendre, c'est quel genre de pouvoir il a, quel genre de réalisation il a, cet homme? Quel genre de pouvoir, est-ce que c'est un pouvoir supramental, ou quoi?
Tout ce que je peux dire, c'est que, sur tous les gens qu'il a soignés ici, il n'en a pas guéri un seul – pour tous, c'est revenu. Et selon ma vision, c'est parce que, ici, ne sont malades que ceux qui DOIVENT l'être.
Alors, cela ne peut pas être un pouvoir supramental.
(silence)
Il a demandé à me voir aujourd'hui. Je vais le voir. Naturellement je ne dis rien, et s'il parle, je ne l'écoute pas. Mais j'essaierai de VOIR.
D'après ce qu'il dit, et d'après ce que j'ai vu jusqu'à présent, il a l'impression d'une Harmonie qui est supérieure à la création et qui n'est pas encore manifestée pleinement, et qui se manifesterait à travers lui... Il y a quelque chose de vrai là-dedans, excepté qu'au lieu de se manifester à travers une personne, cette Harmonie essaie de descendre sur la terre. Ça, je l'ai vu; je crois que là où il est enfantin, c'est de prendre cela comme une chose personnelle – c'est tout. C'est cela, mon impression. Mais que cette Harmonie essaye de descendre et qu'elle favoriserait certainement la nouvelle création, cela me paraît être exact.
Le succès dans le monde dépend toujours d'une... (comment dire?) d'une diminution et d'une personnification des choses; par exemple, il n'y aurait (pour moi) rien d'étonnant à ce qu'il fasse des miracles, parce qu'une chose qui, pour une conscience – une conscience éclairée, la Conscience de la Vérité – est une conséquence logique, pour la conscience qui n'est pas éclairée, ça devient miraculeux. Alors qu'il se fasse une réputation de miracles ne serait pas du tout étonnant. Peut-être est-il appelé à devenir...
C'est amusant! (Mère rit)
Il ajustement la candeur (la candeur de l'ignorance) qui fait qu'il n'a pas un mental qui regarde et qui sourit. Il est tout entier dans sa conviction – c'est une condition pour les gens, ils en sont encore là.
On verra.
Tous ces super-miracles ne sont pas convaincants.
Oh! non, pas du tout! Pas du tout.
Pas convaincants. C'est une sorte de super-prestidigitation, et puis quand c'est passé, c'est passé – ça n'a rien changé dedans.
Non.
Alors, qu'est-ce qu'il va faire là-dedans?... J'ai l'impression qu'il va entrer dans une voie douloureuse, cet homme. Il va tomber dans la fosse aux lions.
N'est-ce pas, il n'a pas vu la lumière ici. Il est resté enfermé dans sa réalisation.
Mais oui! C'est d'ailleurs pour cela que j'aurais voulu le voir avant qu'il ne te rencontre.
Non-non! Non, c'est amusant mon petit! il faut laisser, il faut voir les choses! (Mère rit, moqueuse) Tu peux le voir APRÈS. Moi, je tiens à le voir avant – tu mettrais en lui quelque chose... Non-non! Je veux le voir.
Mais parce que, douce Mère, ce qu'il va faire, et ce qu'il fait: il est devant toi (ou il est devant n'importe qui), il s'en va, hop là! il attrape sa «chose», et puis voilà, il la tire.
Mais moi, je peux aller au-dessus!
Oui, mais alors il prendra ça pour quelque chose «du dessus»!
Ah! mais ça ne fait rien! (Mère rit) Ça ne fait rien, mon petit! C'est très amusant (Mère rit de plus belle)... Tu sais, recevoir l'Illumination DE LA VÉRITÉ; est une telle grâce – je ne sais pas... si vraiment elle est pour lui, il l'aura, et c'est cela que je veux savoir. S'il ne Ta pas, ça veut dire que... (Mère fait un geste vaste avec un rythme), il fait partie de l'immense Jeu.
(long silence)
C'est aujourd'hui qu'il vient. J'ai dit qu'il fallait qu'il aille te voir en sortant d'ici, comme cela tu pourras sentir si... si quelque chose a été ébranlé.
Oui, qu'il vienne me voir chez moi en sortant d'ici.
Il vient vers trois heures et demie – je ne vais pas le garder longtemps.
Ah!... il n'a pas appris à s'asseoir par terre, non?
Si, il peut, douce Mère.
Avec cette hernie, ce n'est peut-être pas...
Si son dos est appuyé, il peut... Chez moi, je l'ai fait asseoir par terre.
Ah! alors ça va bien.
Mais le dos appuyé...
(silence)
Moi, je comprends très bien comment ça se passe:ily a une certaine (je ne sais pas si c'est une réalisation) mais il y a quelque chose qui est là [geste au-dessus], on attrape Ça, et on peut l'attraper en se prosternant devant un caillou, en se prosternant au Samâdhi, en étant dans la rue et partout, et c'est la-même-Chose.
Oui-oui.
Et c'est irréfutable.
Oui, c'est cela.
Alors, il peut être devant toi, attraper ça, et puis c'est «la même chose»!
(Mère rit)
Mais je suis convaincue que la première fois que je l'ai vu, il n'y a pas eu de différence pour lui: il était entièrement enfermé dans sa propre création. Seulement c'est entré, mais il n'a pas senti que c'était quelque chose de nouveau... N'est-ce pas, la subtilité du discernement vient d'un raffinement de conscience qui n'est pas à la portée de tout le monde. La subtilité de discernement.
Pour moi, ce qui est mystérieux, c'est que l'on puisse avoir la conscience divine et ne pas voir. Comment est-ce possible? Parce qu'il a une conscience divine, c'est sûr. Mais comment ne voit-il pas?
(Après un silence) Tel que je le vois, lui, c'est parce qu'il a besoin que ce soit manifesté par une conscience personnelle. Une «conscience personnelle», je veux dire quelqu'un (Mère) qui est «conscient de porter le Divin» et qui sent «je porte le Divin», tu comprends? Quand ça, ce n'est pas là (le Divin est là, c'est tout, mais il n'y a pas le «je suis le Divin»), il ne peut pas sentir. Et je vais plus loin: je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'Européens ou d'Occidentaux qui puissent le sentir. Les Indiens, c'est à cause de l'atavisme. Et tous ceux qui sont westernized [occidentalisés] ne peuvent plus sentir. Ils ont besoin du sens de la personne, la personne qui dit: «Je suis», tu comprends. Mais ce corps... (riant) le corps a dépassé le stade où il dit «je suis»! L'idée même le fait rire.
C'est pour cela.
Pourtant, moi, je sens une différence. J'ai été très longtemps à me creuser la tête et à essayer de comprendre. Je me disais: quand je touche Ça là-haut, c'est la même chose, et c'est toujours la même chose... jusqu'au jour où je me suis dit: «Voyons, quelle est la différence quand je suis avec Mère et quand je suis seulement avec Ça?»
Tu as senti la différence?
Et alors là, j'ai compris quelque chose (il n'y a pas longtemps de cela).2 J'ai eu l'impression que quand j'étais avec toi, ce n'était pas quelque chose que j'attrapais là-haut, c'était plutôt quelque chose qui était du dedans.
Ah!
Comme si j'étais pris du dedans.
Oui-oui.
Et que tout s'allumait du dedans.
Oui, c'est ça! c'est ça. C'est ça même, c'est exact.
Ce n'était pas quelque chose qui me tombait sur les épaules.
Oui, c'est cela. Mais c'est la raison d'être de ça (Mère touche son corps), de la présence ici. C'est pour que ce soit... du dedans – pas une descente miraculeuse.
Oui, c'est la différence.
Mais alors, lui, ça l'a encore plus convaincu, tu comprends? Il s'est senti (devant Mère) tout à fait, oui, confortable. C'est pour cela que je t'ai dit que l'ego physique n'est pas parti... Ça lui a paru tout naturel. Il devait se sentir très confortable!
(silence)
L'état maintenant est tel que lorsque le corps se sent (se sent, c'est-à-dire qu'il a conscience d'être un corps), c'est instantanément le malaise, quelle que soit la condition. Même quand il se sent comme dans un état d'adoration ou d'aspiration ou..., c'est accompagné d'un malaise; et c'est seulement quand il n'y a plus du tout la conscience de son existence séparée qu'il est à l'aise. Et alors, l'état normal, c'est le silence, l'immobilité; mais... (comment expliquer, parce que l'image n'est pas juste), n'est-ce pas, quand la Présence, non pas passe au travers mais irradie comme cela (geste), irradie dans une activité, alors tout va bien, et il n'y a plus du tout la sensation de «ça (le corps) à travers quoi»: ça à travers quoi le Divin passe – non. C'est comme cela (geste immuable), et c'est immobile et inexistant, ça n'a pas conscience de soi-même, ça a conscience seulement de... l'Action Divine, comme ça. Alors tout va bien. Et dès qu'il y a seulement même une simple impression de la Chose qui passe «à travers», alors vient le malaise. N'est-ce pas, c'est devenu un état très aigu.
Tiens, je pourrais dire (ça a l'air d'être de la littérature), mais dans un certain état, dans cet état où il ne se sent plus, où il n'y a plus que la conscience du Divin, c'est le sens d'une Immortalité, de l'Éternité; et s'il y a la moindre sensation de «quelque chose dans quoi» le Divin se manifeste, ça devient absolument le sens de la mort – on redevient mortel immédiatement. Et aigu, tu sais, aigu comme cela. Et alors c'est très subtil parce que... la sensation (la sensation, la perception, le sentiment) de «je» a complètement disparu, tout le temps, tout le temps – ça vraiment, complètement; c'est le «quelque chose», le quelque chose qui est encore un peu différent, et alors ça, ça devient terriblement douloureux – il n'est parfaitement à l'aise que quand il ne se sent plus.
C'est difficile à expliquer, mais c'est comme cela.
(long silence)
Ce doit être cela... Il y a d'innombrables couches de conscience. Le développement (le développement universel) a permis progressivement la prise de conscience de chaque couche; plus on est développé, plus on perçoit les différences de couches; et c'est seulement quand on est conscient de TOUTES les couches de conscience et que ça ne forme plus qu'une unité (mais une unité consciente de sa multiplicité), qu'alors ce qui est tout au fond... la Suprême Conscience peut se manifester pleinement. Et dans les corps, il y a encore des couches qui ne sont pas pleinement conscientes; il y a encore des couches qui restent comme un résidu de tout ce qui a précédé: le minéral, le végétal, l'animal, tout cela. Alors, toute la partie pleinement consciente des cellules est pleinement illuminée, mais... Il n'y a qu'à voir, d'ailleurs (Mère montre la peau de ses mains, intransformée visiblement)... C'est devenu EXTRÊMEMENT sensible, le moindre choc produit un... C'est devenu extrêmement sensible... Ça paraît ne pas avoir la même «densité»... mais l'apparence est tout à fait la même. Ceux qui ont une vision intérieure voient quelque chose (une autre forme de Mère), mais c'est seulement parce qu'ils ont la capacité de vision intérieure. Alors c'est cela (ce résidu). N'est-ce pas, dans la conscience des cellules, il y a la conscience pour ainsi dire «intérieure» aux cellules qui est pleinement-pleinement consciente, mais il y a quelque chose qui reste comme cela (le résidu, Mère fait un geste qui recouvre comme une croûte). Et alors, ce travail-là, un homme comme A.R. ne l'a pas fait, n'est-ce pas: c'est une espèce de conscience globale floue. Il est lui-même conscient de quelque chose qui est «plus fort que son corps» et qui «se sert» de son corps, me paraît-il... Dans le monde, c'est très utile, et ça peut faire naître toutes sortes de choses. Mais il n'est pas prêt pour la transformation, tu comprends: lui-même, son corps. Il a l'espèce de certitude intérieure que ça PEUT être, mais... Je ne sais pas... à moins que le Seigneur ne veuille que ce soit comme cela; alors ce serait amusant – vraiment ça m'amuserait beaucoup!
Parce qu'il parle, lui, d'un travail de transformation des cellules.
Il parle, oui.
Mais alors, qu'est-ce qu'il veut dire justement?
(Mère rit) C'est vrai, n'est-ce pas!
Mais je te l'ai dit, j'ai fait l'expérience quand je l'ai vu: quand il est parti, au moment où il est parti, j'ai voulu toucher sa main pour savoir – mais j'ai touché une main, tu comprends? J'ai touché une main (Mère palpe une dureté), il y avait sa main –je n'ai pas touché le Divin: j'ai touché une main... Et alors il a l'impression, je crois, que c'est à travers sa main que la Force agit.
Oui (pour lui), il s'agit toujours d'une «descente»; ce n'est pas quelque chose qui irradie du dedans. C'est une Force qui descend.
Il a toujours cette impression?
C'est l'impression que j'ai, moi, avec lui.
C'est l'impression que j'ai aussi. Quand il était assis là, je voyais la Force qui descendait-descendait-descendait en lui, mais enfin il y avait un monsieur qui s'appelait A.R. qui était là!
Ce n'est pas du tout quelque chose qui irradie du dedans.
Non.
Mais la conscience qui est là (geste au-dessus de Mère) est très consciente que ça (Mère touche ses mains), ce ne sont pas des mains! (Mère rit) On aurait beau essayer, cela n'est pas! Ça peut être un corps raffiné, mais ce ne sont pas des mains. Mais quand je suis assise là, comme ça, quand ce corps est assis et qu'il y a quelqu'un, il n'est plus conscient de lui-même; il n'est pas du tout conscient d'une Force qui passe à travers lui, plus conscient de lui-même – il y a la Présence Divine qui agit. Et il devient conscient de la réceptivité de l'autre, de l'action que fait cette Force chez les autres, tout cela – et ça (le corps), ça n'existe plus.
Mais ce n'est qu'un commencement.
C'est un commencement.
Qu'est-ce qui se passera?...
(silence)
Tout ce qui est conscient dans ça (corps), tout cela n'a qu'une, qu'une... qu'un mouvement: c'est qu'il n'y ait plus de différence. C'est tout. Et pas du tout l'impression de «tirer» ici ou là, ni de «monter» là-haut – ce n'est pas cela: plus de différence.
Et la différence devient de plus en plus douloureuse – beaucoup plus douloureuse qu'une maladie (ce n'est pas le même genre de chose: c'est une sorte d'angoisse intérieure).3
(silence)
Alors tu le verras ce soir, après sa visite (Mère rit, moqueuse)
(Le soir, le disciple a donc vu A.R. et après une discussion difficile où nous avons essayé d'ouvrir les yeux de cet homme, nous avons envoyé la lettre suivante à Mère pour lui rendre compte de ce qui s'était passé. Nous étions devant le Monisme irréfutable – qui ne voit pas ce qui est sous son nez.)
Le 25 octobre 1969
Douce Mère,
Auprès de toi, A.R. dit qu'il sent seulement une différence d'intensité de la même Chose. J'ai essayé de lui expliquer que ce n'était pas tout à fait «la même chose», mais irréfutablement il dit qu'il n'y a qu'UNE Chose avec des intensités diverses, et que, seulement, toi tu laisses passer Ça plus purement que d'autres. Et comme nous avons parlé d'Avatar, il a dit: «Il ne peut pas y avoir de différence entre un Avatar et un Yogi réalisé, et s'il y a une différence, c'est que le Yogi n'est pas réalisé vraiment.»
Bref, nous avons tourné l'un et l'autre autour d'une indéfinissable différence – qui est peut-être la Grâce.
Et pour finir, il n'était pas très content de moi... Je le regrette. J'ai l'impression que j'ai lamentablement échoué.
Ton enfant un peu «puzzled» [troublé]
avec amour,
Satprem
(Réponse de Mère)
Satprem, mon cher enfant,
Ce que A.R. appelle moi (la mère) c'est ce corps physique, et c'est un fait qu'il ne reçoit rien de lui. Qu'il le sache et le sente ou non, il reçoit tout d'en haut, pas du dedans de son corps.
J'ai observé attentivement aujourd'hui; et la Présence est descendue, sous une forme impersonnelle, en lui d'une façon continue pendant tout le temps qu'il était assis en face de moi; rien n'allait directement de ce corps au sien. Il est resté ici moins longtemps aujourd'hui que la première fois, mais l'expérience était la même. Au moment de son départ, je lui ai pris la main pour voir si je sentais quelque chose de particulier, mais, comme la première fois, je n'ai rien senti, rien donné, rien reçu.
Ce qu'il dit de l'avatar et du yogi est logiquement vrai.
Mais peut-être y a-t-il un secret que les hommes ne peuvent pas comprendre... excepté et seulement s'ils abdiquent totalement leur humanité.
Ne sois pas «puzzled» et tu sentiras le merveilleux sourire qui préside à toute chose.
Avec toi toujours,
Mère
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1 Un moine catholique qui était venu à l'Ashram il y a environ un an et qui a rencontré le guérisseur. C'est à la suite de cette rencontre que A.R. a parlé de sa «mission de guérison».
2 En fait, c'était un grand tournant dans la vie du disciple: la compréhension expérimentale de la différence entre le grand Ça et ce «quelque chose d'autre» qui passe par Mère. Il a donc fallu quinze ans au disciple pour s'approcher de Mère...
3 Il existe un enregistrement de cette conversation.